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22 MARS : Journée Mondiale de l’eau...mais Israel a transformé la Palestine en « pays de la soif »

samedi 21 mars 2009

Le monde célèbre, ce dimanche 22 mars, la Journée mondiale de l’eau. A cette occasion, notre ami M. Larbi Bouguerra, Docteur en chimie, professeur honoraire à la faculté des sciences de Tunis et expert international des questions environnementales nous parle de l’utilisation par Israël de l’eau comme une arme supplémentaire contre le peuple palestinien.
D’autre part, un Forum mondial de l’eau se tient à Istanbul du 16 au 22 mars : Larbi Bouguerra, qui y participe, en rendra compte, exclusivement pour nos lecteurs, dans notre prochaine livraison.


Mohamed Larbi Bouguerra

« Sans eau

Je suis moins qu’une mouche

Un amas de pierres »

chantait l’immense poète Louis Aragon.

Aujourd’hui, Gaza est, hélas ! littéralement réduite à l’état de pierres par la barbare et criminelle agression sioniste La journée mondiale de l’eau du 22 mars permet de mettre opportunément le doigt sur une autre des indicibles souffrances qu’Israël s’ingénie à faire subir à tous les Palestiniens : le manque d’eau…En toute illégalité, car l’occupant est tenu d’assurer la desserte en eau de la population occupée ; de plus, les accords d’Oslo de septembre 1995 ont reconnu le droit des Palestiniens sur l’eau du pays dans le cadre d’un « partage équitable et raisonnable de la ressource », comme le veut du reste le droit international traditionnel de l’eau ainsi que la Conférence de Madrid, les Règles d’Helsinski et le Plan Johnston ,comme nous l’a affirmé M. Rabah Echeïkh, vice-président de l’Autorité Palestinienne de l’Eau.à Gaza.

L’eau, instrument de punition collective :

Israël veut être le maître de l’eau et poursuit depuis longtemps une

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politique systématique qui consiste à en priver les Palestiniens. Dans Le Monde du 24 avril 2001, Sharon déclarait on ne peut plus clairement : « Ce n’est pas par hasard que les colonies se trouvent là où elles sont. Il faut conserver la zone de sécurité ouest en Cisjordanie, la zone de sécurité est, les routes qui relient Jérusalem et, bien entendu, la nappe phréatique d’où vient le tiers de notre eau. »

En 1974 déjà, Eric Rouleau, reporter au journal Le Monde (et ancien ambassadeur de France dans notre pays) mentionnait le fait qu’Israël déversait des pesticides dans les canalisations d’eau et bouchait les puits des villages palestiniens. Lors de la guerre des Six Jours, en 1967, Israël n’a pas hésité à bombarder le barrage du Yarmouk édifié, au pied du Golan, par la Syrie et la Jordanie sur cet affluent du Jourdain. Or, le bombardement de tels ouvrages est interdit par les Conventions de Genève. En 2002, Israël a menacé le Liban afin qu’il cesse d’alimenter des villages palestiniens avec l’eau du Hasbani (affluent du Jourdain) et du Litani. Auparavant, Avigdor Lieberman, ex-videur de boîte de nuit né en Moldavie, conseiller de Sharon lors de la première Intifadha de 1987, a menacé l’Egypte de bombarder le barrage d’Assouan si elle prêtait main forte aux lanceurs de pierres et aux résistants palestiniens. On imagine les terribles conséquences d’un tel acte qui libérerait des milliards de mètres cubes d’eau dans la vallée du Nil ! On peut craindre le pire, maintenant que cet extrémiste enragé va redevenir membre du gouvernement de Netanyahou.

En fait, l’eau est utilisée pour punir collectivement les Palestiniens.
L’ancien ministre Yitzhak Rabin, à la suite de l’Intifadha, en a fait une pratique courante : après chaque attentat, Israël prive d’eau le village dont est originaire le kamikaze et mitraille les réservoirs recueillant l’eau de pluie sur ses toits. Quand cela se produit en mai, par exemple, les Palestiniens se retrouvent privés d’eau jusqu’au début de l’hiver…s’il pleut ! Amira Hass, journaliste israélienne à Ha’aretz, a dénoncé, en 2002, cette politique inhumaine à Naplouse, où elle vit. Elle a aussi publié un livre au titre révélateur : « Boire la mer à Gaza, chronique 1993-1996 ».

S’en prendre à l’eau des Palestiniens de manière discriminatoire c’est, de la part d’Israël, une autre manœuvre pour porter atteinte à leur développement social et économique et les empêcher d’atteindre un niveau de vie décent. De plus, le manque d’eau et l’absence de gestion des eaux usées – car l’occupant interdit les travaux sur le réseau et ne permet pas l’entrée du fuel pour les pompes- génèrent de graves problèmes de santé au point que, depuis août 2006, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a prépositionné les équipements et les médicaments pour traiter une éventuelle épidémie de choléra.

Injustice et discrimination :

La politique constante de démolition des infrastructures : adductions, centrale électrique, réservoirs, pompes …est minutieusement planifiée pour rendre impossible la vie aux Palestiniens et les amener à quitter leur terre au bénéfice des colons sionistes et à se soumettre à l’occupation.

A Gaza, au cours des trois dernières années, le siège inhumain décrété par les sionistes a exacerbé la pénurie d’eau. Du fait du délabrement du réseau, l’eau potable de la Bande n’est pas saine dans la proportion de 80%, selon Amnesty International. La récente agression a, bien évidemment, aggravé ces terribles conditions, puisque les bombardements ont gravement endommagé le réseau dans les zones urbaines, au camp de réfugiés de Nassirat et détruit les puits à Jabalia.

De même, le réseau d’eaux usées a été fortement atteint, avec les conséquences sanitaires qu’on imagine.
Depuis janvier 2009, un demi-million de personnes- soit le tiers des habitants de Gaza- est privé d’eau potable.

Et alors que, quand une colonie sioniste s’installe en Cisjordanie, le premier élément qui sort de terre est un château d’eau - généralement protégé par des barbelés - 500 communautés villageoises palestiniennes de Cisjordanie ne sont pas desservies en eau potable. Seul recours : les camions-citernes, dont le prix a atteint des sommets suite aux innombrables check points et aux tracasseries de toute sorte qui sont le lot des véhicules aux plaques palestiniennes. Reste l’eau de pluie pour répondre aux multiples usages : pour la boisson, l’hygiène, les animaux domestiques, l’arrosage des potagers….Mais huit années de sécheresse consécutives ont, bien évidemment, aggravé le calvaire des gens…. qui voient les colons parlant russe arroser le vert gazon de leur villa et déverser sur eux, dans de nombreux cas, leurs eaux usées. Le journal Ha’aretz fustige ces colons qui « consomment l’eau comme si Israël était la Norvège ».

Pour sa part, Amnesty International rapporte que, le 15 janvier 2008, à Beït Ala, près de Béthléem, l’armée israélienne a arraché les arbres des vergers palestiniens et détruit de manière systématique et planifiée neuf réservoirs– construits par des ONG locales financés par l’Union Européenne- rendus irréparables, privant ainsi d’eau neuf familles. De tels actes avaient déjà été perpétrés par les militaires sionistes en 1999 et 2001, plus au sud, à Soussia.

Rappelons à ce propos que l’eau des Palestiniens est entièrement sous la férule des militaires, par la grâce de l’infâme ordonnance militaire n° 158 du 30 octobre 1967 qui dispose qu’ « il est interdit à quiconque de mettre en œuvre ou de détenir des installations hydrauliques sans avoir préalablement obtenu l’autorisation du commandement militaire ». C’est ainsi qu’aucun village palestinien ne peut forer de puits dépassant 18 mètres de profondeur. Il va de soi que cette limitation ne s’applique pas aux colonies et, dès que l’une d’elles s’installe près d’un village, ses puits tarissent du fait de la profondeur de son forage et de la puissance de ses motopompes.

L’injustice et la discrimination font qu’un Palestinien ne dispose aujourd’hui que de 60 à 90 litres d’eau par jour dans le meilleur des cas, alors qu’un Israélien dispose d’une moyenne de 280 litres quotidiennement, d’après le New York Times du 02 septembre 2001. Or, la grande majorité des nappes d’eau douce alimentant la Palestine se trouvent en Cisjordanie et se recharge grâce à l’eau de pluie qui y tombe. Pourtant, Israël s’adjuge la part du lion et puise 340 millions de mètres cubes dans ces aquifères et ne permet aux Palestiniens que l’usage de 22 millions de mètres cubes seulement.

On comprend que les Palestiniens voient aujourd’hui leur pays comme « le pays de la soif ».
T
ewfik Abou Wael, le talentueux cinéaste palestinien, a signé un beau film au titre éloquent : Atash, qui a remporté le Prix de la Critique Internationale à Cannes en 2006.

Face à leur déni flagrant des droits vitaux des Palestiniens, les Israéliens et leurs soutiens aux Etats-Unis, dans l’Union Européenne et ailleurs seraient bien inspirés d’entendre la voix du regretté Mahmoud Darwich quand il déclame :

« Enregistre en première page :

Je ne déteste pas les gens

Ni n’empiète personne

Mais quand on m’affame

Je mange la chair de mes spoliateurs

Prenez garde

Prenez garde

A ma faim et à ma colère »