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Une lettre du député P. Braouezec à Rachida Dati :

Décès d’un Tunisien lors d’une interpellation « musclée » à Grasse

dimanche 2 novembre 2008

Un citoyen tunisien résidant en France est décédé le 9 mai dernier dans des conditions suspectes à la suite d’une interpellation par la police. Malgré des preuves concordantes au sujet de la violence dont ont fait preuve les policiers lors de cette intervention, aucune mesure n’a, jusqu’ici, été prise contre eux. Face à cette situation, Patrick Braouezec député (communiste) de Seine - Saint Denis a adressé à Mme Rachida Dati, Ministre de la justice, la lettre suivante :


Patrick Braouezec

député de Seine-Saint-Denis
à
Rachida Dati
Ministre de la Justice

Paris, le 21 octobre 2008

Madame la ministre,

Abdelhakim Ajimi, résident tunisien en France à la recherche d’un emploi de cuisinier est mort le 9 mai dernier à Grasse, victime de blessures occasionnées, lors de son arrestation, par la BAC et des policiers municipaux, devant au moins une vingtaine de témoins civils, dont des policiers et plusieurs pompiers.

La Commission nationale de déontologie de la Sécurité vient d’être saisie afin « d’établir si les agissements des forces de l’ordre ont été contraires aux règles de déontologie de la sécurité ». La question est importante, car jusqu’à ce jour les fonctionnaires impliqués dans ces faits n’ont fait l’objet d’aucune sanction.

Le parquet de Grasse avait, dès le 13 mai, annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour homicide involontaire, alors même que la police avait, selon les dires de nombreux témoins, procédé avec force et violence à son immobilisation au sol, accompagnée de coups et d’une prise dite « clé d’étranglement ». (Cette technique d’interpellation, particulièrement dangereuse et interdite dans certains pays, a valu à la France une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme en date du 9 octobre 2007 - (SAOUD v.France, 9375/02, No.101 ). Sur ce point, les juges de la Cour européenne ont rappelé que « les autorités ont une obligation de protection de la santé des personnes détenues » ou placées en état d’arrestation et que l’issue tragique de l’interpellation constituait une violation par la France du « droit à la
vie ».

Le rapport d’autopsie a laissé apparaître un « décès par asphyxie mécanique » accompagné de « lésions cérébrales (...) évoquant une privation prolongée », Par ailleurs, le Parquet de Grasse déclarait à propos de cette affaire avoir l’impression qu’il y a peut-être eu de la part des gardiens de la paix une mauvaise prise en compte des règles qu’ils appliquent normalement pour maîtriser les gens quand ils se rebellent […] La durée de la maîtrise a peut-être aussi été trop longue ». Malgré ces informations, le procureur a fait savoir qu’une nouvelle expertise, attendue pour le 30 novembre au plus tard, a été confiée aux médecins légistes, afin « de préciser les conclusions de leur autopsie au vu des résultats de l’expertise toxicologique et de l’expertise anatomo-pathologique ».

Ce nouveau report quant aux conclusions de l’enquête provoque une vive inquiétude aussi bien parmi la famille de Abdelhakim Ajimi que dans le comité de soutien établi dès le lendemain de la mort de ce jeune homme.

Madame la ministre, vous conviendrez avec moi, j’en suis sûr, qu’il est grand temps que le Parquet prenne d’urgence les décisions qui s’imposent au regard des différentes conclusions.

Tout report risque de susciter l’incompréhension voire d’engendrer une méfiance à l’égard de la justice. Il est temps que les personnes responsables de la mort de ce jeune répondent de leur acte afin que cela ne se reproduise plus et que cet atermoiement ne remette pas en cause les missions premières de la justice.

Dans l’attente, je vous prie de croire, Madame la ministre, en ma considération.

Patrick Braouezec